MARIKO
"Nul n’échappe à ses origines et à son vécu
Ma rencontre avec la terre commence dès l’enfance, à Madagascar, où je suis fascinée par le travail des Malgaches, par leurs mains faisant jaillir de la terre des personnages de légende. Jusqu’à l’adolescence, ma vie sera un carnet de voyage, fait d’arrivées et de départs : l’île Maurice, l’île de la Réunion, le Kenya, la Côte d’Ivoire…C’est au Kenya que j’apprends les rudiments du façonnage de la terre, auprès des Masaïs qui modèlent des êtres fantasmagoriques. Dès 14 ans, ma décision est prise : je serai une artiste. En Côte d’Ivoire, la directrice des Beaux Arts d’Abidjan me prend sous son aile et, puisque je suis encore trop jeune pour intégrer l’école, me donne des cours particuliers.Plus tard, plus loin, me voilà élève de l’école des Beaux Arts de Montpellier où, rebaptisée par un ami japonais, Kenji, je deviens Mariko, sculpteur. Cette année-là, je découvre la tauromachie, danse passionnée entre l’homme et le taureau qui ne font plus qu’un dans ce combat. L’habit de lumière, qui ne peut être que féminin, me fera travailler sans relâche l’homme-animal, le minotaure, et sa compagne, la toute puissante sévillane.Je travaille le bronze, la pierre ; mais j’ai une prédilection particulière pour le grès, matière non gélive qui nécessite une cuisson à 1340°, et des matériaux de récupération tels que pièces de moteur divers, que j’assemble en les soudant à l’arc et que j’inclus par la suite à mes sculptures.u monde et matière du rêve démiurge.
La terre, chair du monde et matière du rêve démiurge
Créer, c’est d’abord modeler la terre brute pour lui donner une forme, vecteur de sens. La terre est pour moi la matière primordiale, chair du monde et réceptacle de toute vie. Mais elle est aussi argile dépourvue d’esprit, et en cela, la matière première des dieux. La dimension spirituelle, la part de mystère de l’être humain lui sont données par une intelligence supra-terrestre, une divinité. L’idée divine est rendue par la forme. C’est le mythe universel de la création, la création primordiale. Celle de l’homme. Modeler est un acte démiurge. Ma création est la machine de mon imaginaire, de mes entrailles, de mes souvenirs. L’artiste que je suis ne peut exister et se réaliser que par ce travail, ce rituel au cours duquel je vais peu à peu modeler, ciseler, souder, dresser des personnages. Faire naître, puis soumettre la force sculpturale à mes rêves.
La source véritable de l’art est dans notre cœur
Chacune de mes créations est une histoire d’amour que je vis exclusivement, tout au long de la création, avant de leur rendre leur liberté lorsque vient le moment de la finition. La plupart de mes sculptures reçoivent alors une patine noire, qui n’est pas seulement un tribut à ce majestueux bois qu’est l’ébène : le noir est le révélateur premier de la lumière dans la matière. Les Minotaures que je fais naître ne renvoient pas au labyrinthe de Thésée. Mais aux danses africaines qui ont scandé mon enfance, l’ont peuplée de masques de sorciers. Puis à la tauromachie qui a ensuite subjugué mon adolescence, me révélant la part d’animalité qui sommeille en l’homme. Avec eux, je restitue ce moment où matador et taureau ne font plus qu’un, fondus en un mouvement puissant. Et c’est du mouvement de mes personnages que naît ma sérénité. Que s’accomplit mon chemin d’artiste, tracé afin d’offrir en partage, en offrande, un rêve, un mythe, une histoire à ceux qui flâneront devant mes sculptures. Et de parler à leur cœur, seule source véritable de l’art." MARIKO